Le fameux exercice de création de background est-il vraiment utile?

La création d’un personnage de [jeu de rôle](tags/jeux de rôle) implique des choix qui sont basés sur la mécanique du jeu - déterminer des attributs, des compétences, des capacités spéciales. Puis vient le moment fatidique du “background” du personnage. Quelle est l’histoire du personnage? Quels sont ses parents? Ses amis? Les moments marquants de sa vie?

La plupart des joueurs n’étant pas des écrivains ni des scénaristes, cela rend l’exercice ardu voire carrément pénible. Bonjour les clichés (l’orphelin-esclave), les appels à la destinée grandiose (je suis en fait le fils secret du roi), et les incohérences avec l’univers établi par le maître de jeu (comment ça je ne peux pas jouer un Elfe Noir dans Dragonlance?).

Sachant en plus qu’étant donné que vous allez concentrer sur toute votre énergie durant les parties sur l’action (exploration, combats, etc.), votre histoire a bien peu de chances d’être pertinente, on peut se poser la question qui tue : cet exercice de création de background est-il vraiment utile?

Je vais être direct : la plupart du temps, non. En fait on s’en fout pas mal de ce que votre personnage a fait avant l’aventure. Ce qui s’est déroulé avant de mettre le pied sur le seuil du donjon appartient au passé. À quoi bon décrire en détails votre arbre généalogique si vous ne rencontrez jamais un membre de votre famille? À quoi sert le temps passé à imaginer un méchant avec lequel vous ne croiserez jamais le fer?

Le background d’un personnage de jeu de rôle n’est pertinent que s’il est utile pour le jeu. Cela peut paraître être une évidence, mais beaucoup de trop de joueurs y voit un exercice de création personnel, alors qu’il doit s’inscrire dans la trame commune de l’histoire.

Création d’un bon background de personnage

Pour élaborer une bonne histoire pour votre personnage, vous devez :

1- Discuter avec votre maître de jeu

Après tout, c’est lui qui va pouvoir vous aiguiller sur ce qui est possible ou non, et qui pourra intégrer les éléments de votre histoire à sa préparation de partie. Le maître de jeu connaît généralement le mieux l’univers du jeu, il sera donc en mesure de vous dire quel culte serait approprié pour votre personnage dévot, quelle organisation de bandits ou d’assassins il a pu mettre en échec ou au contraire soutenir, etc. Il pourra surtout faire des liens avec des éléments qu’il avait préparé (faire en sorte que votre vieil ennemi soit l’un des chasseurs de primes à vos trousses par exemple).

2 - Discuter avec les autres joueurs

Pourquoi faire votre histoire dans votre coin? Étant donné que vous allez être amenés à fonctionner en tant que groupe, impliquez les autres joueurs dans l’histoire de votre personnage. Je trouve ça vraiment dommage que les joueurs ne développent pas ensemble leurs personnages, en créant des liens qui sont pourtant tellement récurrents dans les histoires qui alimentent le jeu de rôle : un maître et son serviteur (Frodon/Sam, Don Quichotte/Sancho Panza), des frères et soeurs (Luke/Leïa, Caramon/Raistlin), des collègues (Han Solo/Chewbacca), etc. Franchement, iriez-vous partir à l’aventure avec des personnes qui n’ont pas un lien très fort avec vous?

Frodo & Sam

3 - Créer des éléments qui ont un potentiel d’interaction

Si votre personnage est orphelin, c’est un fait établi qui n’apporte rien en termes de rôle. Si par contre vous décidez que parce qu’il est orphelin, votre personnage va chercher à tisser des liens avec une mère ou un père de remplacement, c’est déjà plus intéressant. Il peut aussi considérer son groupe comme sa famille, ce qui va le motiver à le protéger.

Vous devez ainsi penser aux conséquences des événements davantage qu’aux événements eux mêmes. Il a failli se noyer, donc il a peur de l’eau. Sa famille a été dépossédée par le seigneur, donc il est méfiant ou hostile vis-à-vis de la noblesse.

4- Motiver votre personnage

Le passé de votre personnage doit servir à définir, expliquer et nourrir ses motivations. Ce qui manque souvent aux personnages, et qui peut les rendre plus intéressants, ce n’est pas une belle histoire, mais des motivations claires et crédibles. Si votre famille a été massacrée par des gobelins, vous allez non seulement nourrir une haine profonde pour ces créatures mais vous allez aussi probablement vouloir vous venger. Si votre personnage a passé son enfance dans la misère, il peut avoir développer le rêve de devenir riche, par tous les moyens si nécessaire. Le passé de votre personnage doit pouvoir résonner dans le futur : en l’annonçant (les gobelins ont fait du mal, je me vengerai un jour), en le préparant (je vais m’armer pour faire face au roi des gobelins) ou au contraire en créant une rupture (la vengeance ne sert à rien).

Attention à ne pas multiplier les objectifs de votre personnage - plus sa motivation sera claire, plus il aura d’impact. N’hésitez pas à forcer le trait, même si vous risquez d’en faire une caricature. Sur une partie de 3-4 heures, avec mettons 4-5 joueurs, pensez-vous que vous aurez le temps d’expliquer habilement et tout en nuances la psychologie raffinée de votre personnage? Non. Faites un personnage atrocement cupide comme Harpagon ou obsédé par la vengeance comme Inigo Montoya.

Inigo Montoya “Bonjour. Je m’appelle Inigo Montoya. Tu as tué mon père. Prépare toi à mourir.”

Rien ne vous empêche d’être plus original que ces stéréotypes, mais il ne faut pas que le souci d’originalité vienne brouiller les cartes. Une manière de créer un personnage original rapidement est de miser sur une dichotomie.

Perceval “C’est pas faux.”

Un brutal contraste entre 2 dimensions de votre personnage titille l’imagination. Récemment, j’ai créé deux personnages pour des “one-shot” en utilisant cette technique :

  • Un chasseur de dragons auto-proclamé, courageux comme dans les romans de chevalerie qu’il dévore, et Gnome des Forêts!
  • Un Elfe bicentenaire qui noie sa peine d’amour dans l’alcool et qui est pirate et paladin!

Une histoire qui se construit au fur et à mesure

Et si vous écriviez l’histoire de votre personnage non pas à sa création mais en cours de jeu? Après tout, la technique du “flashback” est un procédé éprouvé. J’adore voir un joueur inventer une anecdote sur la vie de son personnage lors d’une partie, car c’est ça avant tout le jeu de rôle : une invention collective et coopérative. Le maître de jeu n’a pas le monopole de l’improvisation. Et le fait de construire l’histoire de votre personnage au fur et à mesure de la progression de la campagne, cela peut être très intéressant pour le maître de jeu également, car il pourra facilement faire appel à ce passé généré spontanément.

L’histoire de votre personnage n’est donc absolument pas nécessaire en début de partie. Ce que vous avez besoin, c’est d’un bon concept et de motivations bien définies. Pour le reste, dévoilez les mystères qui entourent votre personnage au fur et à mesure, lorsque vous serez prêt!