Je n’ai jamais aimé le concept de potions dans Donjons & Dragons. Pour être plus précis, je déteste les potions de soins.

Pourquoi le fait d’ingurgiter une potion permettrait de guérir instantanément un barbare en train de se vider de son sang? Il y a un petit côté Astérix qui me dérange, qui rend la dynamique du jeu plus loufouque que vraiment épique. D’autant que les potions de soins me font poser plein de questions plus ou moins idiotes. Comment faire boire une potion a quelqu’un qui est mourant? Ne devrait-il pas y avoir un délai pour que les effets de la potion se fassent sentir? S’il y a une économie des potions des soins, pourquoi tous les monstres n’en ont pas? Asterix et la fameuse potion magique Autant il y a plein de concepts absurdes que j’accepte dans D&D, autant celui des potions, je n’arrive pas à l’avaler.

Plus sérieusement, je trouve que les potions de guérison peuvent ruiner des effets dramatiques.

- Ah, vous trouvez dans les ruines fumantes de la ferme un villageois mourant qui dans son dernier souffle…
Ben je lui donne une potion comme ça il meure pas.
Euh, bon ok, il meure pas.

Sans compter les ballets absurdes des héros pour ingurgiter des potions en plein combat. Et le fait qu’a force de dépendre des potions pour survivre, vos soit-disant courageux aventuriers vont refuser d’aller au front s’ils n’ont pas un nombre adéquat de petites fioles. Et voilà qu’au lieu de les lancer dans l’action, vous vous retrouvez à décrire une séance de shopping chez l’apothicaire du coin. Ennuyant à mort.

Alexandre Astier et Jacques Chambon, Kaamelott, Livre I, Le Coup d’épée, écrit par Alexandre Astier Merlin : C’est pas une question de simple ou pas simple, la magie ça fait ringard, c’est tout.
Arthur : C’est un avantage considérable sur les autres, vous vous rendez pas compte ! On s’fait couper les deux bras, on vient vous voir, cinq minutes après on r’tourne se mettre sur la gueule. Mettez vous à la place des ennemis, c’est décourageant !
Alexandre Astier et Jacques Chambon, Kaamelott, Livre I, Le Coup d’épée, écrit par Alexandre Astier

Bon d’accord, mécaniquement parlant, il est tout de même important de donner la possibilité aux personnages de récupérer. Les joueurs sont très attachés aux points de vie de leurs personnages, et sans moyen de les regagner régulièrement, ils risquent de devenir ultra-frileux à se battre ou à prendre des risques, ce qui risque de transformer votre épopée héroïque en vadrouille de pantouflards peureux.

Alors, c’est l’occasion de proposer autre chose que de banales potions de soins, en offrant l’opportunité de (re)gagner des points de vie autrement.

Alternatives aux potions de soins

1 - D’autres objets magiques

Si comme moi vous n’aimez pas les potions, vous pouvez les remplacer par d’autres types d’objets. Si au lieu de donner six potions de soins au prêtre du groupe, vous lui offrez un bâton de guérison qui aura approximativement les mêmes effets, c’est quand même plus intéressant. D’autant que le bâton en question peut avoir une histoire spécifique (il fut utilisé autrefois dans la grande bataille des Titans d’Éther), ou toute autre particularité propre aux objets magiques (capacités spéciales, malédiction, etc.).

2 - D’autres effets magiques

Vous pouvez aussi offrir une capacité spéciale à un personnage. Par exemple, un personnage qui aurait fait un don au temple ou accepté une mission importante de la part d’un membre du clergé pourrait bénéficier de capacité de guérison temporaire. Cette capacité peut également être la récompense d’une quête accomplie ou d’un service rendu. On peut très bien imaginer une fée ou une licorne conférer le pouvoir de guérison à des personnages qui auraient éviter une catastrophe ou protéger leur territoire d’une quelconque menace.

3 - D’autres effets mécaniques

Certains personnages ont des capacités de guérison intégrées (second souffle du guerrier par exemple, ou encore mains guérisseuses du paladin). Vous pouvez très bien les augmenter pour compenser l’absence de potions. Vous pouvez ajouter des capacités de guérison, dans la limite du raisonnable. Un guerrier pourrait récupérer des points de vie à chaque fois qu’il fait un coup critique, ou quand il atteint un certain seuil de points de vie (en s’inspirant des capacité de “bloodied" de la 4ème édition). Un druide pourrait regagner des points de vie lorsqu’il se change en animal.

Faites attention à ne pas trop affecter le système par contre (voir à ce sujet le système économique de Donjons et Dragons, “action economy” en anglais). Il faut que l’effet reste mineur (4-10 points de vie avant le niveau 5), et prenne une action. Pour une action mineure ou une réaction, ou encore un effet lié à une autre action, il faudrait diminuer de moitié ou du quart le nombre de points de vie soignés. Un barde niveau 5 pourrait ainsi bénéficier d’une capacité “Chant revigorant”, qui prend 1 action et soigne 2d4+2 points de vie (exactement l’effet d’une potion de soins standard). Un guerrier niveau 3 pourrait regagner 2 points de vie lorsqu’il effectue un coup critique.

4 - Des effets de roleplay

Encore mieux que les effets magiques ou mécaniques, les effets liés au personnage lui-même (et non plus à sa classe, sa race, sa religion ou ses relations avec les pouvoirs surnaturels), c’est-à-dire à sa personnalité et son histoire.

Un personnage amoureux pourrait gagner des points de vie lorsque son amour est en danger. Un personnage qui est particulièrement courageux pourrait en gagner lorsqu’il se met en danger pour protéger autrui. Un personnage qui affronte celui qui a tué ses parents ou un proche pourrait se voir octroyer une poussée d’adrénaline parce qu’il désire assouvir sa vengeance.

Bref, l’idée est d’aller au-delà des simples potions, horriblement banalisées par les jeux vidéo. En neutralisant les potions, vous évitez les insupportables séances de négociations chez l’apothicaire ou le temple. Vous obligez les joueurs à se concentrer sur le monde qui les entoure vraiment ou sur la personnalité des personnages. L’expérience devient plus immersive.