Comment aider son maître de jeu à rendre les parties épiques

Objectif du jeu de rôle : le plaisir partagé

Le jeu de rôle étant par essence un jeu coopératif (même s’il peut y avoir des aspects compétitifs, un minimum de coordination entre les participants est nécessaire), vous ne pouvez pas vous contenter de vous assoir à la table et espérer que le maître de jeu fasse son spectacle pendant que vous grignotez du pop-corn. Pourquoi joue-t-on aux jeux de rôle? Pour une multitude de raisons (cf. selon le type de joueur que vous êtes) mais avant tout pour le plaisir. Et c’est ce plaisir généré qui fait qu’une session est ou n’est pas un “succès”. On peut débattre de ce qu’est exactement le plaisir de joueur, mais ce n’est pas l’objectif de ce texte. Ce qui m’intéresse ici, c’est le rôle du joueur dans le “succès” de la partie.

Outre les considérations logistiques ou d’étiquette (cf. responsabilités des joueurs), l’implication du joueur en cours de partie me paraît un facteur essentiel dans la création d’une dynamique de jeu. Que vous ayez à faire à un maître de jeu débutant ou vétéran, vous, en tant que joueur, pouvez contribuer à la qualité de l’histoire. Comment? Tout simplement à travers ce qui forme la base du jeu de rôle : l’interaction.

Si vous n’interagissez pas suffisamment, vous devenez un simple spectateur. Cela peut être fort agréable si votre maître de jeu est un conteur et un acteur exceptionnel, mais terriblement ennuyant s’il ne l’est pas du tout. Si la responsabilité du maître de jeu est avant de tout de faire en sorte que tout le monde s’amuse autour de la table, les joueurs se doivent d’apporter leur pierre à l’édifice imaginaire qu’ils construisent.

Difficulté & Histoire

Le rôle du maître de jeu est souvent présenté comme celui qui raconte une histoire, mais c’est une erreur. Le jeu de rôle n’est pas un jeu dans lequel les joueurs écoutent une histoire, dans au contraire ils vivent une histoire.

C’est le joueur qui est responsable de l’histoire, pas le maître de jeu. Ce dernier est responsable des obstacles : il génère des défis, des entraves, des conflits. À chaque obstacle le maître de jeu attribue un niveau de difficulté, selon le système de règles utilisé. Cela peut prendre la forme de statistiques (pour un adversaire à combattre), de seuil de réussite (pour une action à accomplir), etc. Le maître de jeu utilise un certain nombre de facteurs pour déterminer ce niveau de difficulté, selon sa vision de la situation, sa connaissance du systèmes de règles, son bon jugement, son humeur, etc. Le niveau de difficulté doit être suffisamment élevé pour que les personnages soient mis à l’épreuve. En fait, ce sont surtout les joueurs qui sont visés : le maître de jeu doit créer de la tension, il doit “stresser” ses joueurs.

Alors comment vous en tant que joueur pouvez-vous influencer le niveau de difficulté auquel votre personnage est confronté? Car c’est bien l’enjeu : surmonter l’épreuve. Si vous acceptez purement et simplement le niveau de difficulté choisi plus ou moins arbitrairement par le maître de jeu, vous ne participez pas, vous n’êtes pas impliqué.

En tant que responsable de l’histoire, de VOTRE histoire, vous devez répliquer à la décision du maître de jeu par une sorte de "contre-offre”. C’est en interagissant avec le maître de jeu que vous allez pouvoir réussir à diminuer le niveau de difficulté et ainsi garantir le succès de votre groupe.

De quelles types d’interactions parle-t-on? Je vais insister sur 3 d’entre elles que vous devriez utiliser le plus possible :

  • Interagir avec l’intrigue
  • Interagir avec le décor
  • Interagir avec les personnages secondaires

Interagir avec l’intrigue ou comment s’accrocher avec élégance aux hameçons

Le maître de jeu va nécessairement, à un moment ou un autre, présenter des événements qui sont autant d’hameçons pour les personnages. Une princesse à aller sauver, un dragon qui menace la région, etc.

Voyez ces différents hameçons comme des opportunités pour votre personnage, et non pas comme des pièges en tant que joueur. Le maître de jeu peut avoir maladroitement présenté une situation et vous pouvez vous sentir un peu forcer de suivre son intrigue. Il peut être en panne d’imagination, manquer d’expérience, etc. Ne lui jetez pas la pierre et ne commencer pas à plomber l’atmosphère en rechignant ou en faisant bien sentir que vous n’aimez pas être “railroadé” (dirigé).

Trouvez un moyen de vous accrocher à l’hameçon qui soit une opportunité intéressante pour votre personnage. C’est l’occasion de faire travailler votre imagination en incarnant un trait de personnalité ou un aspect du background de votre personnage.

Chandelier

Interagir avec le décor ou comment faire apparaître des chandeliers

Le maître de jeu ne peut pas parfaitement décrire votre environnement immédiat. Il doit en effet essayer de trouver un équilibre entre faire une description évocatrice et rythmer la partie. S’il passe trop de temps à décrire les décors, les joueurs vont s’impatienter, et en plus ils risquent de ne pas retenir grand-chose. Si à l’inverse la description est trop vague, les ambiguités risquent de nuire aux décisions (comment ça il y a avait une autre porte, tu avais dit qu’il n’y avait pas d’autre issue?).

1 - Faites décrire et décrivez

Vous ne devez pas assumer que le maître de jeu va faire une description exhaustive de votre environnement. Votre rôle est donc de le rendre davantage tangible. Peu importe l’univers, le style de scénario ou de personnage que vous incarnez, vous devez agir en tant qu’investigateur de l’imaginaire. Cherchez des indices! Examinez les éléments de décor, déplacez-vous. La mobilité de votre personnage est importante, car en vous déplaçant vous changez de perspective, et vous donnez donc l’occasion au maître de jeu d’apporter des éléments d’information complémentaires.

Si vous vous approchez d’une porte, ce sera ainsi l’occasion de la décrire. Si vous regardez le plafond, ce sera l’occasion de remarquer la présence opportune d’un magnifique chandelier. Soyez précis autant que possible dans vos requêtes de description. Ne demandez pas "à quoi ressemble la porte exactement?” Car cela revient à demander une description exhaustive et donc possiblement pénible de ladite porte.

À vous d’aider le maître de jeu à mieux décrire l’environnement en décrivant vous-même efficacement les actions de votre personnage.

2- Clarifier vos intentions

Interroger le décor, c’est aussi l’occasion de clarifier les intentions de votre personnage. Évites questions du style : “à combien de mètres se trouve l’orc le plus proche?” Ce genre de question oblige le maître de jeu à nécessairement ralentir son processus narratif pour établir des paramètres objectifs qui peuvent être difficiles à déterminer et qui peuvent engendrer toutes sortes de discussions ou de contestations. En d’autres mots, vous quittez le “narratif” pour entrer dans le pur “descriptif”. Pourquoi voulez-vous connaître la distance qui vous sépare de l’orc? Avez-vous vraiment besoin d’une réponse précise? Non, ce que vous voulez, c’est pouvoir mettre l’orc hors d’état de nuire avant qu’il puisse s’enfuir et prévenir ses camarades. Alors vous devriez plutôt demander “Est-ce que je peux atteindre l’orc avec ma hache de jet?”

Cela clarifie votre intention. Les descriptions du maître sont là pour vous offrir des opportunités, pour vous permettre de faire des choix. En tant que joueur, vous avez tout à gagner à faire des choix éclairés, en obtenant le plus d’informations possibles. Mais pour ne pas ralentir la partie, faites en sorte que votre quête d’informations permettent au maître de jeu de comprendre vos intentions. Tel que mentionné précédemment, un “J’examine attentivement la porte” va juste forcer le maître de jeu à faire une description assez générique de la porte. Mais si vous dites “j’examine la porte pour voir si elle serait facile à crocheter” permettra d’obtenir une réponse plus rapide et précise à l’action que vous allez entreprendre.

Interagir avec les personnages secondaires ou comment jouer à Socrate avec style

Les joueurs n’interagissent souvent pas assez avec les personnages secondaires. Ils sont pourtant clairement les meilleures sources d’information possibles, étant donné qu’ils sont des avatars de l’omniscient maître de jeu! Ce dernier n’attend que ça d’ailleurs, que vous lui posiez des questions pour qu’il puisse enfin expliquer pourquoi le frère du roi veut prendre le trône qu’il considère comme étant le sien ou comment l’arbalète a été inventé par un gnome particulièrement savant et maladroit.

Que ce soit une simple conversation avec la boulangère à propos du temps qu’il fait ou un interrogatoire musclé d’un gobelin capturé, les dialogues avec les personnages secondaires sont des occasions de donner vie au monde imaginaire, d’obtenir de précieuses informations ou encore des ressources pour accomplir la quête en cours.

1- Donner vie au monde imaginaire

Posez des questions aux personnages secondaires est l’occasion de donner vie au monde imaginaire, en y ajoutant des anecdotes. En savoir plus sur la construction d’un lieu ou les coutumes d’un peuple, par exemple. Pas simplement pour faire “plus vrai” ou “plus joli”, mais pour saisir l’opportunité de réagir à ces éléments d’information à travers votre personnage.

Si vous apprenez en discutant avec un garde de la ville que le vol de poule est passible de peine de mort, c’est l’occasion d’exprimer la position de votre personnage sur la peine de mort (et sans doute aussi celle de vous demander pourquoi les poules sont aussi précieuses, mettons).

Vous pouvez également profiter de discussions avec les personnages secondaires pour préciser l’histoire ou la psychologie de votre personnage. Si vous déclarez “Cela me rappelle la ville dans laquelle j’ai grandi”, c’est l’occasion pour le maître de jeu, à travers son personnage secondaire, de vous faire préciser le passé de votre personnage. Une belle opportunité d’improvisation partagée (à ce sujet, lire La question en jeu de rôle : questionnement socratique et théâtre d’improvisation

2 - Obtenir des informations (ou de l’aide, tout simplement)

C’est aussi l’occasion d’obtenir des informations pour une enquête, pour clarifier les motivations d’un personnage ou encore pour prendre une décision éclairée.

Combien de fois j’ai vu des joueurs accepter une mission sans même se demander pourquoi leur employeur voulait accomplir l’objectif confié aux personnages! Comprendre les motivations des personnages, les faire vivre, est une part essentielle du jeu de rôle car ce sont les motivations qui engendrent les conflits et donc l’histoire.

Outre les informations qu’ils possèdent, les personnages secondaires peuvent fournir une aide précieuse aux héros sous la forme d’objets, d’argent ou de capacités magiques. Sans compter qu’ils peuvent également être convaincu de participer à des batailles. Autant de moyens de faire baisser le niveau de difficulté, non? Pourquoi s’en priver?

Conclusion

C’est donc au moyen de toute une série de questions que vous aurez l’occasion de dynamiser les parties, diminuer les niveaux de difficulté des épreuves et plus généralement faire avancer l’histoire. Vive les chandeliers.